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5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 00:13

Le documentaire diffusé sur Arte la semaine dernière, « La guerre des partisans sur le front russe », a au moins un mérite : évoquer à la télévision un thème assez peu connu en France, alors que ce fut un phénomène majeur de la seconde guerre mondiale à l’Est qui joua un rôle certainement décisif dans la victoire de l’URSS. Mais c’est justement là que le documentaire commence à poser problème.

La vision du documentaire est empreinte d’un relativisme total. Tout se vaut : les partisans et ceux qui appliquent la politique d’extermination nazie, les partisans et les collaborateurs, les partisans « rouges » durant la guerre et les partisans « noirs » ou « blancs » nationalistes après la guerre. Les civils auraient été les victimes d’une lutte entre les partisans et les Allemands. On passe tranquillement d’un camp à un autre. Et puis, après la guerre, les « frères de la forêt » livrent une lutte au pouvoir soviétique qui vaut bien celle des partisans.  Donc, tout est dans tout et finalement ce ne sont jamais que des totalitarismes qui s’entretuent. C’est tout juste si ce n’est pas de la responsabilité des partisans si près de 700 villages biélorusses ont été brûlés avec leur population. D’ailleurs, ces Allemands, si l’on excepte les méchants Einsatzgruppen, ne sont-ils pas des êtres humains qui pensent à écrire à leur tendre et chère du fin fond de la forêt biélorusse avant de se faire tuer sans doute lâchement ?

Une telle approche n’explique rien. Pire, elle véhicule une vision de l’histoire sans aucune dynamique, sans aucune contradiction, sans aucun point saillant à partir duquel exercer une critique historique. Aucun lien n’est fait entre une politique d’extermination d’un côté et la résistance des partisans de l’autre. Cette politique d’extermination, qui est quand même le facteur décisif de la période, est complètement passée sous silence. Le fait qu’un quart de la population biélorusse fut massacrée par les occupants est évoqué nonchalamment.  

Prenons un exemple. Khatyn. Ce village biélorusse fut complètement détruit et sa population exterminée le 22 mars 1943. 127 habitants ont été brûlés vifs dans une grange. Et quand je dis habitants, cela inclut des nourrissons de quelques semaines. Les responsables sont le 118e bataillon de police composé essentiellement d’Ukrainiens et la brigade SS Dirlewanger. Ce village servait occasionnellement de base pour les partisans.

Voyons donc si tout se vaut.

Voici comment le chef du 118ebataillon, responsable du massacre, relate les faits à sa hiérarchie :

« Pour poursuivre l’ennemi en retraite furent envoyées des forces plus importantes, au nombre desquelles une partie du bataillon SS Dirlewanger. Pendant ce temps, l’ennemi se retira dans le village Khatyn dont les sentiments étaient favorables aux bandits. Le village fut encerclé et attaqué de tous côtés. L’ennemi fit preuve d’une résistance opiniâtre de toutes les maisons du village, utilisant même des armes lourdes comme des armes antichars et des projectiles de mortier lourd. Au cours du combat, avec 34 bandits, furent tués un nombre important d’habitants. Une partie d’entre eux périt au cours d’un incendie. Une grande partie des habitants, en tout cas, avait quitté Khatyn quelques jours auparavant pour ne rien avoir à faire avec les bandits. Les habitants des villages situés le long de la route ont pu observer tout se qui se passait » (12 avril 1943, Archives nationales de Biélorussie, 510/1/45/120-121).

On aurait donc des habitants pris entre deux feux, victimes de balles perdues ou victimes d’un incendie présenté presque comme accidentel. Pas besoin de démontrer à quel point cela est absurde.

De l’autre côté, voici ce qu’écrivent les partisans dans le journal du comité clandestin du parti communiste de la région de Khatyn :

« Tout dernièrement, le 22 mars, une brigade d’Allemands et de Lituaniens [sic] spécialisée en expéditions punitives ont fait irruption dans le village de Khatyn […]; Les bourreaux ont exercé des actes de sauvagerie sur la population. Ils ont conduit de force plus de 320 habitants du village, adultes et enfants, dans la grange du kolkhoze, l’ont entouré de paille, l’ont aspergé d’essence et y ont mis le feu. Quand le toit de la grange s’effondra  et que les gens, remplis d’horreur, se sont mis à fuir, les Allemands ont ouvert le feu à la mitrailleuse sur les fuyards. Seules 13 personnes se sont sauvées, parmi lesquels, blessés et couverts de brûlure,  Želobkovič Viktor, 9 ans, Klimovič Yuliya 20 ans, Karaban Petr et d’autres. Ils ont trouvé refuge et soins chez les partisans. 314 [sic] personnes ont été brûlées dans la grange. Les bandits ont incendié toutes les maisons d’habitation des paysans, ont pillé et emporté les biens. » (Le léniniste, 5 avril 1943).

Les partisans de la région ne sont pas indifférents au massacre de Khatyn. Dans le relevé de décisions de la réunion de commandement de la brigade de partisans « Oncle Vassya » du 29 mars 1943, on peut lire :

« Cesser le cantonnement de jour et de nuit des partisans dans les villages même si ce ne sont que des individus, étant donné que cela entraîne des outrages barbares de la part de l’ennemi sur notre population. Beaucoup d’exemples sont à apporter, nous avons même le cas des 184 [sic] personnes brûlées du village de Khatyn » (Archives nationales de Biélorussie, 1405/1/780/ 5-v).

Alors tout est dans tout ?

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8 décembre 2012 6 08 /12 /décembre /2012 16:03

Une petite excursion dans le domaine de l’histoire littéraire.

Il y a quelques jours, le 3 décembre, c’était l’anniversaire de la mort de Galina Arturovna Benislavskaya, secrétaire et amie du poète Sergueï Essenine. Elle s’est suicidée à l’âge de 29 ans sur la tombe de ce dernier le 3 décembre 1928.

 433px--------------_------_-------.jpg

Voici une traduction du récit de sa jeunesse par son amie Kozlovskaya.

« La mère de Galina était géorgienne, son père, un français russifié, Carrière. Comme sa mère fut atteinte de maladie nerveuse, sa sœur, Nina Karpova Zubova (du nom de son premier mari), médecin de profession, décida de prendre Galia chez elle et de l’adopter. Son mari, également médecin, Artur Kazimirovitch Benislavskij devient le père d’adoption de Galia. Il l’aimait beaucoup et l’entourait d’attention et de soins. Je me suis liée d’amitié avec Galia à partir de la 4e classe du lycée et le suis restée jusqu’à sa mort. Sous mon influence et celle de mes parents (c’étaient de vieux bolcheviques), Galia adhéra au parti en mai 1917. Elle termina le lycée en 1917 et essaya de gagner sa vie (des divergences politiques étaient apparues entre elle et ses parents d’adoption). Elle partit à Kharkov et s’y inscrivit à l’unique faculté de l’université. Les Blancs ont bientôt occupé Kharkov [n d. t. le 25 juin 1919]. Galya rêva de sortir de la ville et de essaya de rejoindre les armées soviétiques. Les Blancs l’ont arrêtée et le hasard la sauva. Quand ils emmenèrent Galia au quartier général des Blancs, elle tomba de manière complètement inattendue sur son père adoptif Benislavskij. Il déclara qu’elle était sa fille et elle fut alors libérée. Elle demanda ensuite à Benislavskij son aide pour lui faire traverser la ligne de front. Et bien qu’il ne partageât pas ses vues, l’amour pour sa fille adoptive l’emporta chez lui. Il lui fournit un certificat de sœur de charité de l’armée des Volontaires [n. t. d. : l’armée blanche]. Elle parvint à nos lignes avec ce certificat et y fut arrêtée par les nôtres. Le certificat de sœur de charité éveilla les soupçons. Mon père, qu’elle prit à témoin, la tira d’embarras. Il envoya un télégramme dans lequel il disait qu’elle était membre du parti et dévouée à la révolution. Arrivée à Moscou, elle commença à travailler à la Tcheka, chez Krylenko. Mon père la lui recommanda. Galia y travailla de 1919 à 1923. [n d. t. Nikolaï Krylenko, qui devint commissaire du peuple à la justice d’URSS de 1936 à 1938 avant d’être fusillé, est à cette époque président du Tribunal révolutionnaire suprême]. En 1923, elle changea de travail pour travailler au journal « Bednota », où j’étais secrétaire de la rédaction. Elle y travailla jusqu’à la fin de sa vie » (paru dans le journal « Literaturnaya Gruzya, 1969, n°5-6).

 

Benislavskaya fréquente les cercles littéraires à Moscou et fait la connaissance de Sergueï Essenine fin 1920. Après son retour de l’étranger, le poète emménage chez elle. Après le mariage de Essenine, elle fait une dépression nerveuse et se suicide sur la tombe du poète le 3 décembre 1926 en laissant ces mots : « 3 décembre 1926. Je me suicide ici, même si je sais qu’ensuite on agonira encore plus Essenine d’injures. Mais, à lui comme à moi cela nous est égal. Dans cette tombe est ce que j’ai de plus cher ».

Benislavskaya et Essenine sont surtout proches en 1924 et au début 1925. Durant cette période, elle tient le rôle de secrétaire littéraire auprès du poète et s’occupe de ses relations avec ses éditeurs. Secrétaire littéraire oui, conseillère littéraire non. Essenine la rabroue assez vertement lorsque qu’elle se hasarde dans ce domaine. Il lui écrit par exemple : « Ne me dites pas ces mots insensés comme quoi j’aurais cessé de travailler mes vers. Pas du tout. Au contraire, je suis devenu encore plus exigeant pour la forme. Je m’approche de la simplicité » [à propos de Poèmes sur 36]. Elle concevait ses relations avec Essenine comme exclusives et accuse ses amis de vouloir le séparer d’elle. Elle laisse des Mémoires sur Essenine inachevés. 

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18 novembre 2012 7 18 /11 /novembre /2012 21:18

Le décès de Roland de La Poype, héros de l’Union soviétique, vétéran du groupe de chasse « Normandie-Niémen », le 23 octobre dernier donne l’occasion de parcourir la presse soviétique de l’époque.

Voici un article paru dans « Krasnaya Zvezda » (« L’étoile rouge »), le quotidien du commissariat du peuple à la défense soviétique, le 8 juin 1944, n° 134 (5814), p. 4. Les pilotes de Normandie-Niémen rendent hommage à Marcel Lefevre, grièvement blessé au combat le 28 mai 1944 et qui meurt le 5 juin. Il est inhumé à Moscou, près du monument dédié grognards de Napoléon. Marcel Lefevre sera fait « héros de l’Union soviétique », à titre posthume, le 4 juin 1945, par décret du praesidium du Soviet Suprême de l’URSS.

 

« Le 5 juin 1944 est mort dans un hôpital de Moscou un des meilleurs pilotes de l’unité aérienne « Normandie » (1), le lieutenant-chef Marcel Lefevre. Originaire de Normandie, où a maintenant commencé la bataille pour la France, Lefevre était courageux, persévérant et plein de vie, comme un vrai normand. Il ne remettait pas de la défaite de la France. En octobre 1941, se jouant de la vigilance des traîtres, il passa en avion d’Afrique du Nord à Gibraltar. Ayant rejoint l’armée de la France Libre, il combattit au-dessus de l’Angleterre. Marcel Lefevre fut l’un des premiers pilotes français à exprimer le désir de combattre sur le front germano-soviétique. Patriote ardent, il arriva en Union Soviétique en octobre 1942 quand sur le front de l’Est se déroulaient de très dures batailles : il voulait combattre. Il disait souvent : « Celui qui reste sur le côté n’est pas Français ». Il aimait la Russie soviétique, avait compris l’âme des pilotes soviétiques et, rapidement, avait appris à parler russe. C’est avec fierté et, plus que tout, avec un amour ardent qu’il prenait soin de son « Yak ». Il y a quelques jours encore, Lefevre est intervenu dans un meeting de la jeunesse antifasciste à Moscou (2). Il y a parlé de la victoire prochaine. Il a aussi évoqué la forte amitié militaire entre la France et l’Union Soviétique. Lefevre a pris part aux combats d’Orel (3), de Spas-Demyansk (4), Ielnya (5), Smolensk (6) et à l’ouest de Smolensk. Il a abattu 11 avions et en a touché 3 autres. Sur sa poitrine, on trouvait des décorations françaises, l’ordre de la Légion d’honneur, la croix de la libération, la croix de guerre, et soviétiques, le Drapeau rouge et la Guerre patriotique. C’était un pilote courageux et ingénieux. Il possédait une grande maîtrise du combat aérien. Pour nous, c’était un ami et un modèle. Tous les pilotes du « Normandie » aimaient cet homme joyeux et sensible. Il y avait chez Marcel Lefevre à la fois la candeur de l’enfance et la maturité de la guerre. Il y a quelques temps, on lui a proposé de partir se reposer en Afrique du Nord. Il a refusé : il ne voulait pas abandonner le combat. Français et homme au grand coeur, il ne vivait que dans un seul but : la victoire. Il est tombé au combat. Pour nous particulièrement, il est cruel de l’avoir perdu à la veille des jours qui doivent apporter la victoire, à nous et à nos frères d’armes soviétiques.

Lieutenant-colonel Pouyade

Capitaine Delfino

Lieutenant-chef Albert

Lieutenant-chef de La Poype

Capitaine Risso

Lieutenant-chef Mourier

Lieutenant-chef Sauvage

»

 

Elle prend le nom de « Normandie-Niémen » le 21 juillet 1944.

Troisième Meeting de la jeunesse soviétique antifasciste, qui a eu lieu à Moscou le 21 mai 1944. Mentionné dans « Krasnaya Zvezda », 23 mai 1944, n° 121 (5801), p. 2.

Juillet 1943

Durant la bataille de Smolensk, en août 1943

Autre offensive menée durant la bataille de Smolensk, août-septembre 1943

La ville de Smolensk elle-même est libérée le 25 septembre 1943.

 

 

Voici le texte original :

 

5 июня 1944 г. скончался в московском госпитале один из лучших летчиков авиачасти «Нормандия», старший лейтенант Марсель Лефевр. Уроженец Нормандии, где началась теперь битва за Францию, Лефевр был смелым, упорным и жизнерадостным, как истинный нормандец. Он не примирился с разгромом Франции. В октября 1941 года, обманув бдительность предателей, он перелетел из Северной Африки в Гибралтар. Вступив в армию Свободной Франции, он сражался над Англией. Марсель Лефевр был одним из первых французских летчиков, высказавших желание сражаться на советскогерманском  фронте. Страстный патриот, он приехал в Советский Союз осенью 1942 года, когда на восточном фронте шли жестокие бои: он хотел воевать. Он часто говорил, « что тот, кто остается в стороне, не француз ». Он полюбил советскую Россию, понял душу советских летчиков, быстро,научился говорить порусски. С доверием, более того, с горячен любовью он относился к своему «Яку». Всего несколько дней тому назад Лефевр выступал в Москве на митинге антифашистской молодежи. Он говорил о близкой победе. Он говорил также о крепкой боевой дружбе Франции и Советского Союза. Лефевр принимал участие в боях за Орел, СпасДемянск, Ельню, Смоленск и в боях западнее Смоленска. Он сбил 11 самолетов и 3 подбил. На его груди были Французские "ордена Почетного легиона, Креста освобождения, Боевого креста и советские — Красного Знамени н Отечественной войны. Он был мужественный и находчивый летчик. Он обладал большим мастерством воздушпого боя. Для нас он был другом и вдохновителем. Все летчики «Нормандии » горячо любили этого веселого и отзывчивого человека. Была в Марселе Лефевре детская чистота и вместе с тем зрелость воина. Недавно ему предложили поехать в Северную Африку, чтобы отдохнуть. Он отказался — он не хотел покидать боя. Француз и человек большого сердца, он жил одним — победой. Он погиб на боевом посту. Нам особенно, горько, что мы его потеряли накануне тех дней, которые должны принести победу нам и нашим советским соратникам.

 

Подполковник ПУЯД,

капитан ДЕЛЬФИН0,

ст. Лт АЛЬБЕРТ,

ст. Лт ДЕЛА ПУАР,

лт РИСС0,

ст. Лт МУРЬЕ,

ст. Пт СОВАЖ,

мл. Лт ЭЙХЕНБАУМ.

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24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 21:24

La guerre de 1805

 

Les guerres de 1805-1807 furent un désastre pour la Russie. Dans l'historiographie, ce sont les guerres de la Troisième et Quatrième coalition mais il faut considérer la période comme un tout.

Les coalisés manquent de coordination. Les Autrichiens entrent en campagne sans attendre l'armée russe commandée par Koutouzov. Le général autrichien Karl Mack est contraint de capituler, encerclé à Ulm en octobre 1805. Koutouzov, sachant ses chances de victoire dans une bataille rangée contre Napoléon maigres, bat en retraite en Moravie. Les arrière gardes russes tiennent à distance les armées françaises et leur livre des combats destinés à retarder l'avance de Napoléon. La plus célèbre de ces batailles pour les Russes est celle de Schöngraben le 16 novembre 1805, grâce à laquelle les 7000 hommes du prince Piotr Bagration empêchent les 20 000 hommes de Murat de fondre sur les armées russes. Début décembre 1805, Napoléon semble sur le point de devoir reculer : ses lignes de communication sont trop tendues, il ne peut remporter de victoire décisive contre l'armée russe et la Prusse est en train de rejoindre la coalition. L'arrivée d'Alexandre sur le terrain change tout. L'empereur, qui écarte Koutouzov du commandement suprême, veut livrer bataille frontalement. Le clan pro-anglais de la cour le soutient. Et c'est Austerlitz, le 2 décembre 1805. Alexandre Ier porte dans la défaite une part importante de responsabilité. Les Autrichiens signent la paix (traité de Presbourg). Les Russes se replient sur leur territoire, sans se rendre. 

 

La guerre de 1806-1807 

Koutouzov est exilé au poste de gouverneur militaire de Kiev. La Prusse, qui tergiverse entre la France et la Russie, finit par se lancer seule contre Napoléon. En deux batailles livrées le même jour, à Iena et à Auerstadt, le 14 octobre 1806, l'armée prussienne est détruite. Les Français entrent dans Berlin le lendemain. Le 26 octobre, Alexandre annonce la reprise de la guerre contre la France, dont les armées se rapprochent désormais de ses frontières. En Russie, le sentiment anti-Napoléon et anti-français se renforce. L'Église orthodoxe excommunie l'empereur des Français. Les libelles et pamphlets anti-français se répandent.

Pendant six mois, l'armée russe combat Napoléon en Prusse orientale et en Pologne. Elle est commandée par Lewin von Bennigsen. Les Russes, qui combattent seuls les Français et leurs alliés, n'entendent pas rendre cette campagne décisive. Les ressources de l'empire ne sont pas mobilisées au maximum. Malgré cela, la très sanglante et indécise bataille d'Eylau (26-27 janvier 1807), inflige de lourdes pertes à l'armée française.

Mais la campagne est aussi très dure pour les Russes, qui ne se sont pas préparés à une campagne d'hiver. Ils sont confrontés à de très lourds problèmes d'intendance et à des désertions en nombre. Les arrières des Russes, la Biélorussie et la Lituanie, sont des régions trop pauvres pour entretenir une telle armée en campagne.

C'est l'occasion de dire deux mots de l'armée russe. Contrairement à l'armée de Napoléon, qui est un armée de conscription, l'armée russe forme un corps autonome dans la société. Les soldats y servent 25 ans et, dans la majorité des cas, ils ne retournent pas dans leur famille durant leur service. Les communautés villageoises, qui ont souvent profité du recrutement pour se débarrasser de membres indésirables, les voient rentrer sans enthousiasme. En outre, les soldats restent en règle générale attachés au même régiment, qui possède sa propre coopérative (« artel ») pour améliorer l'ordinaire militaire. Tout ces facteurs font que le régiment vit presque en autarcie et forme une micro société intégrée. Ajoutons que l'armée russe est plus homogène que l'armée française. A l'époque, il y a moins de différence entre un Russe et un Ukrainien qu'entre un soldats des départements français de Belgique et un Toulousain.

Les faiblesses de l'armée russe sont cependant importantes. Elle souffre d'un déficit de formation et d'expérience, à la différence de l'armée française en campagne presque continue depuis 1792. En outre, il n'existe pas d'unités permanentes supérieures au régiment. Les divisions constituées en 1806 n'ont pas l'expérience ni l'efficacité des divisions pérennes françaises. Mais les faiblesses principales de l'armée se situent au niveau du haut commandement. On peine à trouver un commandant incontesté, alors que les Français disposent d'un empereur qui est aussi un génie militaire. Après le désastre de 1805, Alexandre Ier, qui est conscient de ses limites dans ce domaine, s'abstient de prendre part au commandement de l'armée. L'état major russe est déchiré par les querelles intestines.

Toujours est-il que Napoléon remporte une claire victoire à Friedland, le 2 juin 1807. L'armée russe est contrainte de se replier derrière la frontière de l'empire. Cependant, Friedland n'est pas une déroute comme Austerlitz, Iena ou Auerstadt. La majeure partie de l'armée traverse le fleuve frontière, le Niemen, en ordre. Deux nouvelles divisions viennent d'être formées et 200 000 miliciens sont prêts à rejoindre l'armée. De plus, Napoléon n'a pas encore posé le pied sur le sol russe. Sur le plan strictement militaire, la Russie a les moyens de poursuivre la guerre. Cependant, le Trésor, les arsenaux et les réserves militaires sont vides. En outre, Alexandre Ier n'est pas sûr de la réaction des propriétaires terriens polonais à l'approche de la Grande Armée...Et la société pétersbourgeoise veut éviter que la guerre soit menée sur le sol russe.

 

 

Battle_of_friedland.jpg

Tilsit

L'empereur juge donc plus sage d'ouvrir des négociations et envoie comme négociateurs Alexandre Kourakine, le diplomate de rang le plus élevé, et Dmitri Lobanov-Rostovski, plus militaire que dilomate, qui s'est acquis une réputation de bravoure durant les guerres russo-ottomanes. Ils font tous deux partie de la « vieille garde », vétérans du règne de Catherine II. Les instructions que l'empereur leur donne montre qu'il est conscient des forces mais aussi des faiblesses de Napoléon.

Alexandre et Napoléon se rencontrent pour la première fois au milieu du fleuve Niemen, à Tilsit, le 13 juin 1807. Il faut sans doute se méfier de l'image d'un Alexandre subjugué par l'empereur des Français surtout quand ce sont les diplomates français qui rapportent ses propos. L'entrevue dure plusieurs heures. A Tilsit, Alexandre sauve l'essentiel, à savoir l'existence d'un royaume de Prusse, certes très amoindri. Cela aura un impact important en 1813. De plus, aucune parcelle du territoire russe n'est cédée. La Russie annexe même la région de Bialystok, qui faisait partie de la Pologne prussienne. En échange, il doit concéder la création d'un grand-duché de Varsovie sous orbite française, qui constitue pour Napoléon une base de départ contre une éventuelle guerre contre la Russie. Ainsi que l'adhésion au système d'alliance de Napoléon dans sa guerre contre la Grande-Bretagne, ainsi qu'au blocus continental. En réalité, Alexandre pense que Londres signera rapidement une paix de compromis. Le traité de Tilsit n'engage pas la Russie à s'engager militairement contre la Grande-Bretagne. Alexandre accepte également que la France serve d'intermédiaire dans sa guerre contre l'Empire ottoman, qui a repris en 1806.

Une période d'alliance ambiguë commence. Chacun essaie de jouer au plus rusé avec l'autre.

 

La carte ci-desssous représente l'Europe en 1810. En bleu foncé, l'empire français. En bleu clair, les territoires dans l'orbite française.

 

map_europe_1810.jpg

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19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 21:44

 

Les contradictions de l'autocratie

 

La Russie aborde les guerres napoléoniennes en position de force. Au cours du XVIIIe s., elle s'est affirmée comme une grande puissance européenne. Les partages de la Pologne et les victoires contre l'Empire ottoman ont considérablement agrandi son territoire vers l'Ouest et le Sud. Ses victoires contre Frédéric II de Prusse au cours de la guerre de Sept Ans, qui culminent par la prise de Berlin en 1760, révèlent sa nouvelle puissance militaire. Sur le plan politique, le régime de la dynastie Romanov, en dépit de successions délicates, en sort renforcé. L'autocratie scelle une alliance politique avec l'aristocratie et la petite noblesse terrienne. La politique de confiscation menée contre les propriétés de l'Église orthodoxe par Catherine II dans les années 1760 renforcent l'assise économique de la monarchie. En 1790, 40% des serfs sont attachés aux propriétés de l'État et non de la noblesse. Si le pouvoir de l'empereur est théoriquement sans limite, le pays est cependant sous administré. En 1763, la Russie et son immense territoire comptent autant de fonctionnaires que la Prusse. La réforme administrative de 1775 étoffe quelque peu l'administration locale mais les fonctionnaires sont souvent issus de la petite noblesse locale et les confusions d'intérêts sont nombreux. En fait, l'État et la noblesse sont interdépendants. L'état a besoin de la noblesse pour peupler l'armée et l'administration. Et la noblesse de l'État car les emplois que celui ci confère sont une source de revenus indispensables. En outre, l'État assure à la noblesse sa sécurité, contre les révoltes paysannes. La révolte des Cosaques et des paysans de 1773 conduite par Emelian Pougatchev, qui se propagea sur un immense territoire et qui fut mâtée avec difficulté, restent un traumatisme pour les classes dirigeantes.

Autour des Romanov gravite un réseau aristocratique, à la Cour ou dans les hautes responsabilités de l'administration et de l'armée. Ce réseau est soudé par un système d'alliances matrimoniales. Les enfants de la haute noblesse entrent très tôt dans la Garde impériale, ce qui leur permet de gravir rapidement, grâce à leur « ancienneté », les échelons supérieurs de l'armée. Paul Ier mit fin à ce système. En 1801, il fut assassiné par un complot de la haute noblesse conduit par le gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg, Peter von der Pahlen. L'empereur payait là un comportement arbitraire qui lésait les intérêts de l'aristocratie.

La monarchie s'appuie également sur la noblesse issue des minorités, en particulier de la minorité allemande des pays baltes. En 1812, environ 7% des généraux russes sont des nobles baltes allemands. Ce n'est pas inhabituel. Aucun des chefs de l'armée prussienne de 1812-1814, Blücher, Scharnhorst et Gneisenau, n'est d'origine prussienne ou n'a commencé sa carrière dans l'armée prussienne. Le pourcentage d'officiers d'origine étrangère est surtout important dans les services demandant une haute expertise technique (ex : la cartographie). Cela ne va pas sans créer de rancœur ou susciter de sentiment xénophobe. Mais ces officiers finissent par s'intégrer dans la société russe.

 

Quels sont les atouts et les faiblesses de l'armée russe face à Napoléon?

 

 [cf Dominic Lieven, La Russie contre Napoléon 1807-1814, Éditions des Syrtes, 2012, p. 50-58]

 

1- La population

 

La Russie compte environ 40 millions d'habitants à la mort de Catherine II. C'est un état peuplé mais dont la population n'atteint pas le chiffre de celle de l'ensemble des territoires français ou dans l'orbite française en 1812 (environ 65 millions d'habitants). Le coût d'un soldat russe est bien moins élevé qu'un soldat anglais ou français : on le paie moins, il est moins bien nourri et travaille gratuitement. Tant que la guerre reste une question de professionnels, on peut dire avec cynisme que l'armée russe, la plus nombreuse et la moins chère d'Europe, dispose d'atouts certains sur ses adversaires. Pourtant, la conscription, en vigueur en France depuis les lois Jourdan de 1798, risquent de poser un sérieux problème aux classes dirigeantes russes: le modèle d'une armée de citoyens est inapplicable en Russie, dans une société qui repose entre autres sur le servage. Il est inacceptable pour les nobles que les serfs reviennent sur leurs terres entraînés au maniement des armes. L'épisode napoléonien fut trop bref pour en discerner ce qui aurait pu en être les conséquences durables mais il faut noter que l'armée française et l'armée russe reposent sur deux conceptions sociales très différentes. Cependant, des milices furent levées en Russie en 1806-1807 puis en 1812-1814 comme expédient. Ce « pari » fut réussi par Alexandre Ier : la mobilisation, quasi générale grâce à une forte augmentation des effectifs de l'armée et la levée de milices, n'entraîna pas de remise en cause de l'ordre dominant, en dépit de certaines craintes exprimées.

 

2- les chevaux

 

La Russie possèdent de très importantes réserves de chevaux robustes, rapides et très résistants. Ils sont efficaces surtout pour les Cosaques (qui gardent leurs montures propres dans l'armée) et la cavalerie légère. Beaucoup de progrès ont été réalisés sur la cavalerie lourde, grâce à la fondation de haras dans la seconde moitiés du XVIIIe s.

 

3- l'industrie militaire

 

La Russie dispose de grandes réserves de matières premières. C'est le premier producteur mondial de fer et le second de cuir. Il lui faut cependant importer le salpêtre et le plomb, ce qui pose d'importantes difficultés du fait du blocus continental. L'industrie métallurgique, qui est certes en train de prendre du retard sur la Grande Bretagne, est de bonne qualité. Les régions de Saint-Pétersbourg et de Toula fournissent l'essentiel de l'armement. L'arsenal de Saint-Pétersbourg est doté d'un générateur à vapeur en 1811. La production de canons est remise aux normes internationales. L'artillerie russe sera de 1812 à 1814 la plus mobile sur le champ de bataille. Mais les armes individuelles sont une véritable faiblesse. La production est lente, les techniques peu rapides et non adaptées pour une production de masse et de qualité. Pourtant, les soldats russes ne manquèrent pas d'armes. Il faut signaler l'apport de 100 000 fusils d'Angleterre, qui fut d'une grande aide.

 

4- La fiscalité

 

C'est également une difficulté, qui touche tous les états en guerre. La Russie connaît une crise financière à partir de 1807. L'émission de papier monnaie ne résout rien : sa valeur chute brutalement. Les réquisitions massives sont un moyen de compenser les pertes financières.


Les premières années du règne d'Alexandre Ier

 

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Portrait d'Alexandre Ier par George Dawe (1817)

 

Sur le plan politique, Alexandre Ier monte sur le trône en 1801. On considère ses premières mesures comme une tentative limitée libéralisation, en invoquant l'influence de son ancien précepteur suisse qui lui a enseigné l'héritage des Lumières. En réalité, il s'agit surtout de rompre avec les déséquilibres politiques provoqués par son père Paul Ier qui ont mené à son assassinat. L'objectif est de consolider le trône et de renouer avec la situation laissée à la mort de sa grand-mère Catherine II. Certaines mesures vont dans le sens d'un relâchement de la pression politique et sociale, sans remettre en cause les fondements du régime. Beaucoup de projets, les plus radicaux, resteront dans les cartons et occuperont sans résultats la fraction libérale et anglophile de la noblesse de cour. On peut citer les mesures prises au printemps 1801 : rétablissement de la liberté de voyager et d'importer des livres étrangers, autorisation d'établir des imprimeries privées, amnistie pour ceux qui ont fui le régime de Paul Ier, liberté de culte pour les vieux-croyants mais aussi rétablissement des droits de la noblesse qui est à nouveau exemptée d'impôts et de châtiments corporels.

Des réformes ont pour objectif d'améliorer l'administration : réforme du Sénat en 1802, dont le rôle reste exclusivement judiciaire, sans pouvoir législatif. Réforme des ministères la même année : les collèges ministériels issus de Pierre le Grand sont remplacés par huit ministères hiérarchisés. Mais le « comité des ministres », hormis certaines périodes au début du règne, ne fonctionne pas vraiment. Il n'y a pas de collégialité gouvernementale. Les ministres sont individuellement responsables devant l'empereur. Des « lycées modernes » sont fondés. Marie-Pierre Rey, biographe d'Alexandre Ier parle de « convictions constitutionnelles » (Alexandre Ier, Flammarion, 2009, p. 147) mais ces « convictions » sont pas appliquées. Le « comité secret », où sont discutées des réformes radicales reste...secret.

 

En politique étrangère, Alexandre Ier se montre « pacifiste en Europe et expansionniste au sud » (Marie-Pierre Rey, ibid., p. 178). En 1801, il signe une convention maritime avec l'Angleterre et un traité de paix avec la France. Ce traité reconnaît les annexions territoriales de la France et rétablit des relations diplomatiques « normales ». Cependant, Alexandre Ier ne renonce pas à nouer des rapports privilégiés avec l'Angleterre. Le collège des Affaires Étrangères, sous la direction de Vorontsov, se renforce par une politique de recrutement de diplomates compétents. L'appareil militaire est luiaussi réorganisé. En 1803 Araktcheiev est nommé inspecteur général de l'artillerie dont l'organisation est considérablement améliorée.

Au sud, la politique d'Alexandre est expansionniste. Les dernières principautés géorgiennes indépendantes sont annexées. Mais l'expansion russe dans le Caucase reste difficile.

 

Les relations avec la France se dégradent rapidement. L'enlèvement du duc d'Enghien est un des facteurs déclencheurs de la reprise des guerres contre la France. Il faut y ajouter les manœuvres françaises dans les Balkans et la paix entre Paris et Constantinople qui inquiètent la Russie.

En 1805, la Russie s'engage dans la troisième coalition avec l'Angleterre et l'Autriche.

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 21:14

Je viens d'achever la lecture du passionnant livre de l'historien norvégien Asmund Egge sur le meurtre de Sergej Kirov, premier secrétaire du comité du Parti communiste de Leningrad, membre du Bureau politique et secrétaire du Comité central du parti, le 1er décembre 1934 par Leonid Nikolaev. L'ouvrage, écrit en norvégien en 2009, a été traduit en anglais puis en russe. La version russe est publiée en 2011 dans la collection « Histoire du stalinisme » chez l'éditeur ROSSPEN sous le titre : загадка Кирова : убийство, развязавшее сталинский террор (l'énigme Kirov : le meurtre qui a déclenché la terreur stalinienne). Une traduction en français serait la bienvenue.

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Egge prend le contre-pied de la position admise chez des historiens tels que Robert Conquest selon laquelle Staline aurait organisé l'assassinat d'une figure du parti qui lui faisait de l'ombre pour pouvoir en accuser ses opposants et justifier ainsi une politique de terreur.

Le fait que le meurtre de Kirov entraîna une vague d'arrestations, de déportations voire d'exécutions chez les partisans de Zinoviev et de Kamenev est indiscutable. Cet événement marque une étape décisive vers l'établissement de l'absolutisme et la terreur staliniens.

Par contre, cela ne signifie pas que Staline commanditât ce meurtre. L'auteur part d'une réalité : il n'existe pas de preuve scientifique que Staline en soit à l'origine, comme du fait qu'il n'en soit pas. Cela est souligné également par un des principaux historiens russes spécialistes de la période, Oleg Khlevniouk, dans Le Cercle du kremlin : Staline et le Bureau politique dans les années 30 : les jeux de pouvoir (traduction française : Seuil, 1996). Cependant, Khlevniouk laisse entendre que Staline puisse être le commanditaire de l'assassinat (« Les assassinats politiques se préparent dans le plus grand secret le plus profond et les ordres n'en sont pas transmis sur papier à en-tête et avec tampon », op. cit. p. 149). Asmund Egge critique cette thèse.

 

Pour cela, il se livre à un remarquable exercice d'historien de comparaison et critique des sources : critique des sources contemporaines (archives du NKVD, archives du Bureau politique), critique des travaux des commissions d'enquête de l'époque khrouchtchevienne et de la Pérestroïka. Il rappelle également qu'il convient de se méfier des « souvenirs » apparus plusieurs décennies après les faits et des sources de troisième, quatrième ou cinquième main. C'est ainsi que sont critiquées des « sources » parfois citées mais comme dignes de foi telles que la « Lettre d'un vieux bolchevik », publiée dans la presse menchevique en exil, ou encore les écrits d'Alexandre Orlov, agent du NKVD qui est passé à l'Ouest, auteur d'une « Histoire secrète des crimes de Staline ». Egge souligne les contradictions entre ces différentes sources et privilégie les documents contemporains des faits. L'ouvrage mérite d'être lu rien que pour savourer le travail d'historien.

 

Pour faire porter ou non à Staline la responsabilité du meurtre de Kirov, faute de sources directes sur la question, on est contraint de se reporter à la situation politique de l'URSS de 1934 et aux rapports de forces réels ou supposés qui s'exercent alors dans le parti. Un certain nombre de mythes ou de faits non scientifiquement avérés circulent. Egge démontre soit leur invraisemblance, soit leur manque de fondement. Ils sont récapitulés dans le chapitre 11 de l'ouvrage (« Les mythes et les faits »).

 

 

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Kirov

 

Premier fait non avéré - La garde de Smolnyi, siège du soviet et du parti de Léningrad, où Kirov a été assassiné, était dégarnie au moment du meurtre. En réalité la venue de Kirov à Smolnyi ce jour-là est inattendue. On ignore d'ailleurs son motif exact. On l'attendait le soir au Palais de Tauride, où il devait prononcer un discours. A son arrivée, le garde Borissov, qui n'est pas son garde du corps attitré, est chargé de le suivre. Il le fait à distance car Kirov n'aime pas avoir sur le dos une protection trop rapprochée. Cela explique que Borissov n'est pas à côté de Kirov quand Nikolaev lui tire dessus. De plus, à cette époque, les institutions et les dirigeants soviétiques ne sont pas entourées d'une garde trop massive. A Smolnyi, le rez-de-chaussée et le premier étage, où se trouvent les bureaux du soviet de Leningrad, c'est-à-dire la municipalité, sont alors librement accessibles et le troisième étage, où sont situés les bureaux du parti et le bureau personnel de Kirov, sont accessibles par tous les membres du parti. Il suffit de montrer sa carte de membre pour y accéder. Cela ne pose donc aucune difficulté pour Nikolaev, membre du parti.

 

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Smolnyi aujourd'hui

 

Deuxième fait non avéré — Le garde de Kirov, Borissov, fut assassiné sur le chemin de l'interrogatoire auquel Staline l'avait appelé. Le principal témoin du meurtre, Borissov, meurt le 2 décembre 1934, le lendemain, dans un accident de voiture. On a dit que l'accident fut un assassinat déguisé commandité par Staline. Cela n'est pas prouvé. Les expertises menés sur le véhicule et sur le corps de Borissov lui-même, même après la mort de Staline, concluent à un banal accident de la route. De plus, Staline vient alors d'arriver à Leningrad avec une partie de la direction soviétique, pour mettre en place la procédure « d'enquête » et procéder lui-même à des interrogatoires. Tout se passe très vite. Le NKVD ne sait même pas où Borissov a passé la nuit et il faut le faire chercher pour l'amener devant Staline. Les conditions d'un attentat prémédité ne sont donc pas réunies.

 

Troisième fait non avéré — Nikolaev fut recruté par le NKVD avant de tuer Kirov. Cette assertion connaît plusieurs versions contradictoires selon lesquelles le vice-patron du NKVD de Leningrad, Ivan Vassilevitch Zaporojets, aurait recruté Nikolaev, voire lui aurait fourni le révolver qui a servi à tuer Kirov. En réalité, Zaporojets est à l'hôpital de fin août à début septembre 1934 et absent de Leningrad du 14 novembre au 6 décembre. Il ne participe à l'enquête qu'à partir du 6 décembre. Il n'est donc pas disponible aux dates où, selon les différentes versions, il aurait recruté Nikolaev pour tuer Kirov. On sait également que le NKVD n'a aucun dossier sur Nikolaev et que le révolver appartenait au futur meurtrier de Kirov depuis le début des années vingt et pour lequel ce dernier disposait d'un permis de port d'armes (arrivé à expiration avant l'assassinat). On a également beaucoup dit sur l'arrestation de Nikolaev par le NKVD le 15 octobre 1934 alors qu'il tentait d'approcher (déjà) Kirov, ce qui est un fait exact, et sur sa libération extrêmement rapide. Or, la rapidité de la libération s'explique par le fait que le NKVD n'a aucun élément à charge contre ce membre du parti qui a travaillé à l'Institut d'histoire du parti à Smolnyi.

 

Quatrième fait non avéré — Nikolaev a avoué lors de son interrogatoire par Staline avoir été recruté par le NKVD pour tuer Kirov. On ne dispose pas du procès verbal de l'interrogatoire mené par Staline, mais uniquement de sources très indirectes. La source la plus directe sont les entretiens de Molotov avec Tchouev, menés dans les années 70 et 80, qui sont très lapidaires sur le sujet. Bref, rien ne permet d'affirmer ce fait de manière certaine.

 

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L'assassin de Kirov, Leonid Nikolaev, et sa femme Milda Draule

 

 

Cinquième fait non avéré — Kirov représente l'aile « modérée » du Bureau politique, en opposition avec la ligne stalinienne. L'existence au sein du Bureau politique, après l'élimination de toute opposition organisée, de « staliniens modérés », parmi lesquels figureraient par exemple Kirov et Kalinine, contre les « purs staliniens » comme Kaganovitch et Molotov, est une hypothèse défendue par un document contestable, la « Lettre d'un vieux bolchevique ». Aucun document contemporain des faits ne permet d'étayer cette idée. De plus, on sait que Kirov mena à Leningrad une politique sans répit d'élimination des partisans de Zinoviev, opposant à Staline, qui fut président du soviet de Leningrad jusqu'en 1926. Lorsque Staline parvint à éliminer Zinoviev de ce poste, il fit venir à Leningrad Kirov, un homme de confiance, pour contrôler la deuxième ville d'URSS. Kirov est l'un des proches de Staline. Ils passent souvent leurs vacances ensemble, y compris celles de l'été 1934, alors que Kirov est censé être un opposant à Staline... On sait en outre que le pourcentage d'arrestations pour des motifs politiques fut en moyenne supérieure à Leningrad en 1933 à la moyenne soviétique. Cela n'est pas un élément de modération. 

 

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Kirov (au centre) en vacances à Sotchi avec Staline (à droite). A gauche, la fille de Staline 

 

 

Sixième fait non avéré — Lors de l'affaire Rioutine en 1932, Kirov s'oppose au Bureau politique à ce qu'il soit condamné à mort et met Staline en minorité sur cette question. La source de cette assertion est encore la « Lettre d'un vieux bolchevique ». Martemian Nikititch Rioutine (1890-1937), membre suppléant du Comité central à partir de 1927, est à l'origine de la dernière opposition organisée connue à Staline au sein du parti. Il fonde une « Ligue marxiste léniniste » et dénonce la politique de Staline dans un manifeste et une plate-forme politique intitulée « Staline et la crise de la dictature prolétarienne ». Il est arrêté en mars 1932 et sera exécuté lors de la Grande Terreur en 1937. Selon une légende tenace, Staline aurait souhaité en 1932 qu'il soit condamné à mort, peine alors inusitée pour les opposants internes au parti, et aurait rencontré à ce propos l'opposition de la majorité du Bureau politique (BP). Cela n'est prouvé par aucune source directe. Il n'y a pas de documents prouvant que le BP ait discuté jamais d'exécuter ou non Rioutine. On a cependant la preuve que des membres du BP ont débattu de la décision de la commission centrale de contrôle du Parti d'exclure les partisans de Rioutine et d'enjoindre le NKVD d'ouvrir une enquête à leur encontre. Cependant, on ne trouve pas la signature de Kirov au bas du document. On sait d'ailleurs qu'il n'était même pas à Moscou lors de cette discussion. De plus, Kirov, qui en général assiste rarement aux réunions du BP, n'a participé à cette période qu'aux réunions du 11 et du 16 septembre 1932. L'affaire Rioutine ne figure pas aux ordres du jour de ces sessions. On sait en outre qu'il n'a pas davantage participé aux réunions consacrées à l'affaire Rioutine dans le bureau de Staline. Et si l'affaire avait fait l'objet d'une session secrète ou d'un point hors procès verbal, comment expliquer alors que le fait soit connu de l'auteur de la « Lettre d'un vieux bolchevique »?

 

Septième fait non avéré — Une majorité des délégués au XVIIe congrès du parti de 1934 votèrent contre Staline et les résultats des votes furent falsifiés. Il n'y a encore une fois aucune preuve documentaire de ce fait souvent mentionné à partir de la période krouchtchevienne. On sait juste que 166 délégués sur 1225 ne rendirent pas leur feuille de vote. Cette proportion n'est pas inhabituelle lors d'un congrès. Le total des votants est donc de 1059 délégués. Selon le décompte validé par les 63 membres du bureau de congrès pour l'élection des membres titulaires du Comité central, Staline obtint 1056 voix et Kirov 1055. D'autres dirigeants furent mieux élus : Kaline, président du présidium du comité exécutif central (en d'autres termes chef de l'État) obtient 1059 voix, de même que Ivan Fedorovitch Kodatskij (acteur de la Révolution à Pétrograd). Cinq personnes obtinrent 1058 voix (G. M. Krjijanovskij, qui participa avec Lénine à la création de l'Union de la lutte pour la libération de la classe ouvrière en 1893 et président du Gosplan dans les années 20, vice-président de l'Académie des sciences d'URSS au moment du congrès, D. Z. Manouilskij, qui fut diplômé de la faculté de droit de la Sorbonne pendant son exil en France en 1912, devenu secrétaire de l'Internationale communiste en 1928, I. A. Pyatniskij, membre du parti social-démocrate russe depuis 1898 et également dirigeant du Komintern, D. E. Sulimov, président du conseil des commissaires du peuple de Russie, et I. E. Ejhe, alors secrétaire du comité du parti de Sibérie occidentale) et cinq autres 1057 voix (P. A. Alekseev, président des syndicats de Leningrad, K. E. Vorochilov, alors commissaire du peuple aux affaires militaires et maritimes et qui prend le titre quelques mois plus tard de commissaire du peuple à la défense, Ia. B. Gamarnik, qui dirige les commissaires politiques de l'Armée rouge, N. K. Kroupskaya, la veuve de Lénine, et I. P. Roumyantsev). Staline n'est donc pas le mieux élu. Il arrive à la 13e position sur un comité central composé de 71 membres titulaires. Mais Kirov obtient moins de voix que lui.

 

Huitième fait non avéré — Un groupe de délégués du XVIIe congrès a demandé à Kirov de remplacer Staline comme secrétaire général du parti. Molotov en parle lors de discussions menées presque un demi-siècle après les faits. D'autres participants au congrès l'évoquent, comme Kossior, chef du parti communiste ukrainien, tout en avouant ne pas avoir été témoins de la scène. On le voit, les sources ne sont encore une fois qu'indirectes, même si, ici, il est improbable qu'il y ait un compte rendu officiel de cette discussion si jamais elle a bel et bien eu lieu. Il n'est pas impossible par contre que ce ne fut qu'une rumeur de congrès. L'argument le plus solide contre cette hypothèse demeure le rôle politique assez limité que remplit alors Kirov au niveau central. Kirov est surtout un dirigeant local, de première importance puisqu'il dirige le parti de Leningrad, l'ancienne capitale, la ville de la Révolution d'octobre et la deuxième ville de l'URSS. Mais il est relativement peu présent à Moscou. Il n'est membre du BP que depuis 1930 et le XVIIe congrès l'élit, par la volonté de Staline, à l'Orgburo et au secrétariat du comité central. C'est une personnalité montante mais dont le rôle est encore trop faible pour faire de l'ombre à Staline. De plus, si tout le monde reconnaît ses talents d'administrateur, d'organisateur et d'orateur, il n'est pas considéré comme un théoricien et ne peut se prévaloir d'un rôle actif en 1917, deux qualités qui sont alors encore (pas pour longtemps) indispensables pour parvenir aux plus hautes fonctions dans le parti.

 

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Kirov au XVIIe congrès du Parti (février 1934)

 

On voit donc mal quel avantage aurait eu Staline à commanditer le meurtre d'un de ses hommes de confiance, très utile à Leningrad et peu présent à Moscou donc peu susceptible de le concurrencer. De plus, il faut se rappeler qu'en 1934 la direction du parti et de l'État se remet seulement d'une grave crise qui déstabilisa le régime, provoquée par la désorganisation de l'économie et de l'approvisionnement du fait de la collectivisation forcée et de l'industrialisation accélérée. Ce n'est donc pas le meilleur moment pour commanditer le meurtre d'un dirigeant soviétique, qui soulignerait encore une fois la certaine fragilité du régime et risquerait d'encourager une campagne d'attentats individuels contre les chefs de l'État et du parti. Et cela au moment même où le régime, poussé par l'arrivée d'Hitler au pouvoir en Allemagne, cherche à sortir de son isolement international. En 1935, le congrès de l'Internationale communiste valide la politique de Fronts populaires dans les pays occidentaux.

 

Alors? Le meurtre de Kirov ne serait-il pas finalement l'acte d'un individu isolé? La thèse du crime passionnel a récemment refait surface en Russie. La femme de Nikolaev, Milda Draule, aurait entretenu une relation avec Kirov. Il n'en existe pas de preuve. En revanche, on sait que le meurtrier, Léonid Nikolaev, est un individu instable. Renvoyé de son travail à l'Institut d'histoire du parti de Leningrad, exclu un temps du parti avant d'y être réintégré, menacé d'être expulsé de son logement, il nourrit beaucoup de ressentiments contre les dirigeants du parti de Leningrad, puis contre le parti et le régime en général. Il exprime de tels sentiments dans son journal. Au fil des mois, il en vient à l'idée de tuer un des dirigeants locaux du parti et de préférence le principal, Kirov. Nikolaev exprime dans journal de l'admiration pour les populistes du XIXe siècle qui pratiquaient l'assassinat individuel de figures politiques, à l'image de Jelabov, l'assassin du tsar Alexandre II en 1881.

 

ll est certain cependant que Staline utilisa le meurtre pour promulguer le 3 décembre 1934 une législation « anti-terroriste » et s'en prendre à ses opposants. Le meurtre de Kirov donne l'occasion de renforcer de manière décisive son pouvoir et son régime, par les arrestations massives et une politique de répression renforcée. Cela ne signifie pas qu'il fut à l'origine du meurtre. Si c'est le cas, ce n'est pas pour les raisons habituellement invoquées, qui sont sans fondement historique, mais pour des raisons à ce jour ignorées des historiens.

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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 17:40

Je reproduis ci-dessous le communiqué de presse de la Fondation "Mémoire historique" (Moscou) dont deux responsables viennent d'être interdits de séjour en Lettonie 

 

 

Le 2 mars 2012, le ministre des affaires étrangères de Lettonie Edgars Rinkēvičs a déclaré persona non grata non seulement en Lettonie mais également dans l’ensemble de l’espace Schengen deux responsables de la fondation « Mémoire historique » (Moscou) : Alexandre Dyukov, son directeur, et Vladimir Simindiei, responsable des programmes de recherches.

 

Cette décision fait suite à l’organisation par la fondation « Mémoire historique » d’une exposition de photographies et de témoignages oraux sur les enfants russes et biélorusses déportés de force sur le territoire letton, notamment au camp de concentration de Salaspils, en 1943-1944. Cette exposition fut inaugurée à Moscou le 19 janvier, en présence d’historiens venus de Lettonie, d’Allemagne, de France et de Biélorussie. Il est prévu que cette exposition soit présentée à Riga à la fin du mois de mars.

 

La fondation « Mémoire historique » est une organisation indépendante à but non lucratif dont l’objectif est de fournir une aide scientifique et logistique aux historiens dont le champ de recherche porte sur l’histoire de la Russie et de l’Europe de l’Est au XXe siècle. Elle contribue à mettre à la disposition des chercheurs les sources historiques de tout type, organise des conférences et des tables rondes internationales ainsi que des expéditions pour recueillir des récits de témoins. Elle publie des ouvrages, dont plusieurs sont traduits en anglais, ainsi qu’une revue (http://historyfoundation.ru/en/publication.php). Des chercheurs de nombreux pays occidentaux, de l’Union Européenne et d’Israël ont pris part à ses diverses activités.

 

Par conséquent, la décision politique prise par le gouvernement letton actuel d’interdire de séjour dans l’Espace Schengen des historiens est un véritable scandale. La Fondation « Mémoire historique » considère que ce n’est pas à la sphère politique de décider quels sont les historiens qui ont le droit de prendre part à telle ou telle activité scientifique. Le gouvernement letton brime la liberté de mener sur des bases scientifiques une recherche historique objective. Les débats historiographiques complexes portant sur l’histoire du XXe siècle relèvent de la discussion entre historiens appuyées sur des sources authentiques, et non du ressort gouvernemental. En prenant une telle décision, le gouvernement letton risque d’apparaître comme renouant avec des heures sombres de l’histoire, dont les historiens lettons furent eux-mêmes victimes.

 

Davantage d’informations sur la Fondation « Mémoire historique » sont disponibles sur le site http://historyfoundation.ru/index_en.php.

 

Pour la fondation « Mémoire historique »
Le directeur Alexandre Dyukov

 

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26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 18:15

Il y a vingt ans, la démission de Mihail Gorbatchev de ses fonctions de "Président de l'URSS" mettait un terme définitif à l'existence de l'Union soviétique.

Voici une chanson du groupe DDT, "né en URSS", composée en 1997, sur la difficile transition.

 

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24 décembre 2011 6 24 /12 /décembre /2011 17:17

L'empire de l'"action positive" : nations et nationalisme en URSS, 1923-1939 / Terry Martin ; trad.de l'anglais par O. R. Chtchelokovaya. Moscou : POSSPEN, 2011. 855 p.

 

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Traduction en russe du livre paru en 2001 sous le titre "The affirmative action empire : nations and nationalism in the Soviet Union, 1923-1939 "chez Cornell University Press.

A ma connaissance non traduit en français.

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13 décembre 2011 2 13 /12 /décembre /2011 22:08

 

Novorossiisk est une ville située dans le sud de la Russie, sur les rives de la mer Noire.

C'est là que fut établie, du 12 au 25 décembre 1905, une des premières républiques soviétiques.

Une série de grèves éclatent dans la ville du 8 au 10 décembre. Un soviet des députés ouvriers est élu. Il comprend 70 membres, parmi lesquels figurent, pour la gauche, des bolcheviks, des mencheviks et des socialistes-révolutionnaires, auxquels il faut ajouter des députés de l'Union paysanne et des ouvriers sans-parti. Un comité exécutif, composé de 7 sociaux-démocrates (bolcheviks et mencheviks) et de 2 socialistes-révolutionnaires est constitué.  

Le 12 décembre, une partie importante de la garnison se mutine et rallie la révolution. Le gouverneur, A. A. Bereznikov, s'enfuit. Le soviet décide de prendre le pouvoir et de le garder « jusqu'à l'insurrection armée ».

Par un décret du soviet promulgué le 14 décembre, les institutions d'État sont dissoutes (à l'exception des banques et du Trésor public). Le commerce maritime et ferrovière passe sous la responsabilité du comité exécutif. La journée de travail de 8 heures est instaurée. Des comités ouvriers gèrent l'embauche et la débauche des travailleurs. La sécurité est confiée à une milice ouvrière, dont les premiers éléments se sont constitués dès novembre avec des cheminaux, des dockers et des travailleurs des usines de ciment. Un journal, « Les nouvelles du soviet ouvrier », est publié. On en connaît trois numéros.

Cependant, toute la ville de Novorossiisk n'est pas aux mains du soviet, qui ne s'empare de l'imprimerie que le 21 décembre.

 Le pouvoir tsariste, profitant de l'écrasement de la révolution à Moscou comme dans les régions, réagit. L'état d'urgence est proclamé dans la ville. Le 24 décembre arrive une importante troupe pour écraser la république soviétique. Pour épargner les vies, le soviet décide de ne pas résister. Les troupes gouvernementales entrent dans Novorossiisk le 25 décembre.

1000 personnes sont arrêtées. 7 dirigeants du soviet sont condamnés à mort. Les peines sont commuées en travaux forcés.

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